rive gauche : histoire de la famille Juban

une réalisation familiale

l’Hôtel de Saône construit par la famille Juban

 

UNE VIE BIEN REMPLIE…

témoignages de Mme Juban et de son fils René

 

René Mon grand-père avait un métier original : il était peintre décorateur de carrosses…Il avait un « coup de patte » excellent pour tracer des traits avec son pinceau.

Mes parents et moi sommes arrivés Rive Gauche en 1956, tout de suite après la crue. Auparavant, mes parents habitaient Lacrost : mon père travaillait à l’usine Bardin, et ma mère avait des activités diverses ; elle élevait des chèvres, faisait des fromages, avait quelques cultures.

Avant de continuer cet entretien, il faut dire que mon père avait auparavant fait plusieurs métiers, qu’il savait absolument tout faire et qu’il avait sans cesse des tas d’idées – il avait même à une époque pensé à créer un cinéma à Lacrost ! Il voulait aussi faire des chambres à louer.

Un jour, en venant à la pêche dans le coin, il vit qu’un vieux bâtiment de la Rive Gauche était à vendre, et il décida aussitôt de l’acheter, dans l’idée bien sûr de l’exploiter (il faut rappeler que pendant longtemps la Rive Gauche a fait partie de la commune de Lacrost jusqu’à la rue de la Petite Levée, puisqu’il a été procédé à un nouveau découpage incluant ce quartier à la ville de Tournus en 1966).

A l’époque où nous sommes arrivés, il y avait Rive Gauche la plumerie Desserprix, très importante, plus une autre, puis M. Bey est venu s’installer. Le bâtiment, acheté à M. Souris, était en mauvais état ; une partie était alors occupée par M. Guyonnet. Il était construit à l’emplacement d’une ancienne tuilerie qui fonctionnait au début du siècle et qui fabriquait des tuiles romaines et des briques carrées. On pouvait encore voir un four de 15 m de haut et dont les murs mesuraient deux mètres de large : mon père l’a entièrement démonté, tout seul, pierre par pierre. C’était un homme d’une force exceptionnelle : je me rappelle l’avoir vu portant sur chaque épaule des poutrelles métalliques pesant environ 80 kg…Un pan de mur étant en mauvais état, il l’a fait tomber après avoir mis des cales ; le bruit a évidemment été assez fort, et je me souviens que M. Guichard, qui travaillait juste en face, de l’autre côté de la Saône, était complètement affolé, croyant que mon père était resté dessous …Il s’est précipité en criant : « il est fou, ce Juban ! »

Chacun sait que pour faire des tuiles, il faut de la terre ; un trou de 15 m de profondeur existait encore sur le terrain . Pour remblayer, il a alors fait venir des camions de remblai de fonderie – donc du sable.

de gauche à droite : René Lombard, Henri Godard, Claude Lombard, René Juban, Marie-Claude Juban, Robert Juban

 

Dans un hangar, nous avons trouvé environ 200 sacs de ciment laissés là par l’entreprise qui construisait le pont Sud et qui avaient été totalement noyés par une inondation…Il a fallu les enlever, puis aménager le hangar. Dans un autre hangar, M. Guichard père stockait tout son bois pour réparer les péniches. Comme nous voulions surélever le toit du premier hangar, il fallait d’ abord remonter les piliers un par un, en les calant au fur et à mesure. Peut-on encore imaginer la somme de travail que tout cela représente ? Le toit a en définitive été remonté de plus d’un mètre.

N’oublions pas qu’à cette époque, mon père travaillait encore chez Bardin, et faisait tout cela en dehors de ses heures à l’usine. Tout son ciment était fait à la main : jamais une bétonnière n’est entrée sur le chantier. Maintenant, quand on veut percer un trou dans ses constructions , il faut utiliser la meuleuse…

J’ai participé à la réalisation de la terrasse, car j’avais à l’époque 17 – 18 ans. Mon père a fait livrer du gravier, puis nous avons mélangé avec du ciment, et il ne restait plus qu’à couler la dalle et niveler.

Il s’était juré d’être à son compte à l’âge de 40 ans, et il a tenu parole.

Quand il avait décidé quelque chose, impossible de l’arrêter !

En 1960 on a ouvert les chambres, et en 1961 on a commencé la restauration. Il fallait alors une licence pour servir de l’alcool même en dehors des repas, et l’achat n’a pas été facile.

Nous avons installé le chauffage central tous les deux. Jamais nous n’avons fait appel à une entreprise : murs, carrelage, électricité, peinture, etc… tout est passé uniquement par la famille Juban.

Et encore, tout ne s’est pas concrétisé : il était question pendant un moment de faire un camping dans le pré attenant, et même (mais oui !) de faire un restaurant tournant.

Mme Juban C’est « la Meunière », de l’Hôtel de la Paix, qui nous a permis de démarrer. Je faisais alors le ménage chez elle, et elle a eu l’idée de nous faire faire des chambres qui servaient alors d’annexe à l’hôtel et elle nous envoyait des clients. Nous n’avions même pas l’eau courante – je parle de 1960 -, et mettions de l’eau dans un broc pour que les clients puissent faire leur toilette…Nous utilisions l’eau du puits, dans lequel mon mari avait fait installer une pompe : l’eau arrivait alors par un tuyau jusqu’à une pompe à main. J’avais un lavoir dans ma cuisine…L’eau a été amenée par la ville de Tournus, mais pas jusque chez nous : il a fallu faire une conduite à nos frais sur une vingtaine de mètres. Quant au gaz, il a été installé au moment de la reconstruction du pont, en 1987.

« La Meunière » venait faire sécher son linge chez nous, en particulier les draps, qu’elle pouvait étendre dehors. Lorsque nous avons commencé à faire de la restauration, je n’avais aucune connaissance en cuisine. J’ai donc acheté des livres, et demandé des conseils, en particulier à Jean Ducloux, qui était un grand ami de mon mari.

 

 

Mes premiers clients ont été des ouvriers d’un chantier qui prenaient pension, et qui appréciaient particulièrement ma soupe. Evidemment, ça, je savais faire ! Je ne savais absolument pas m’y prendre pour préparer de grandes quantités à l’avance – par exemple, je faisais mes pommes dauphines à la cuiller à café, au fur et à mesure… Là encore, les conseils de Jean Ducloux m’ont été précieux.

Tous les légumes étaient épluchés à la main, y compris les pommes de terre, et tout était frais.

Ensuite, mon mari s’est mis à faire de la friture. Il la faisait tremper dans du lait, puis la roulait dans la farine avant de la tamiser et de la faire frire . Nous achetions la friture fraîche chez un pêcheur d’Uchizy et en rapportions de plein cageots ; quelquefois il avait le temps de la préparer, d’autres fois non. Alors on se mettait au boulot…

Au début nous faisions tout cuire sur une petite gazinière, puis un jour nous avons acheté un piano (cuisinière professionnelle) d’occasion au restaurant Greuze.

Nous avions une bonne clientèle, et il nous arrivait de servir jusqu’à 120 couverts. Mon mari s’occupait non seulement de la friture, mais aussi des entrées, de la vaisselle, et même du ménage des chambres.

René C’est moi qui ai fait l’enseigne. Pour peindre « Hôtel de la Saône », nous sommes allés demander conseil au peintre Paul Perraut, qui nous a donné la recette suivante : faire cuire un kilo d’oignons puis ajouter de l’huile de lin et une poudre rouge. Nous avons obtenu une peinture impossible à effacer…

Robert Juban pose fièrement

La clientèle était fidèle, mais certains (pas parmi les plus pauvres…) étaient de mauvais payeurs. Heureusement que ma mère notait tout et n’hésitait pas à réclamer au bout d’un moment, car là-dessus, on ne pouvait pas compter sur mon père.

Nous avions des mariages, et toutes sortes de banquets.

Mme Juban Lorsque nous nous sommes arrêtés, M. Chevrot a pris la gérance pendant une dizaine d’années, puis nous avons vendu vers 1983 (je me rappelle que, pendant la crue, nous étions confinés dans une chambre) à M. Giraud.

L’inconvénient de notre situation ici, c’est que nous sommes régulièrement inondés, et que nous sommes un peu les oubliés de la municipalité. Avec toutes les installations nouvelles le long de la Saône, les pompiers ont parfois des difficultés à conduire leur bateau,

Les obstacles étant nombreux. Mais je dois leur rendre hommage, car ils ont été très gentils avec moi lors de la dernière crue.

les inondations rive gauche

1956

 

1983

1983

1999

2001

2001 entrée de la cour des miracles

2001 dans la cour des miracles

janvier 2018

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *