ils ont traversé le XX ème siècle

 

France Colas, une figure tournusienne

(entretien réalisé en 1997)

 

Mes parents sont venus s’installer dans leur boucherie en 1909. Quand j’étais gamine, on jouait dans la ruelle derrière (la Rue du Bief Potet ), où les maisons avaient toutes des balcons avec des toilettes dessus. Nombreux étaient les commerçants dont le magasin donnait, sur l’arrière, dans cette ruelle ( qui à cette époque n’était pas fermée, et qui aujourd’hui aurait besoin d’être mieux mise en valeur) .

 

Je jouais là avec tous les enfants du quartier: le fils de l’épicier, celui du cordonnier (en face de la boucherie) et tous les autres. On jouait à la cachette, on inventait des jeux avec bien peu de choses. ..C’était sympathique, chaleureux.

J’ai eu comme institutrices Mme Buguet, Mme Astier, Mme Gaillard.. Tous les matins, avant de partir à l’école, je partais en vélo prendre les commandes chez les clients, jusqu’à la gare. Je n’avais pas besoin de calepin: je n’oubliais rien ! Ensuite, un employé faisait la livraison. Quand j’ai eu 18 ans, c’ était la guerre, et j’ai dû rester travailler à la boucherie. Je faisais les tournées dans les villages avoisinants : Lacrost, Préty, La Truchère, l’Abergement. J’avais une calèche aménagée, tirée par ma jument Lisette, et je livrais la viande deux fois par semaine. A l’aller, Lisette se faisait un peu prier, mais pour rentrer, elle avait tôt fait de se mettre au galop. ..Nous avions des écuries dans la rue Greuze, là où M. Morel a fait sa maison. Lisette connaissait le trajet par coeur, s’arrêtait partout où il fallait, si elle ne voyait arriver personne elle repartait sans que j’ aie besoin de la solliciter ! Pour moi, ce ne sont que de bons souvenirs. Les dames me connaissaient, et lorsqu’il faisait froid elles m’offraient un bon chocolat chaud.

Lorsque nous avons pris notre retraite, mon mari et moi, nous étions heureux de vendre la boucherie à M. et Mme Grézaud – lui avait d’ailleurs été apprenti chez nous. Mais que se passera-t-il lorsqu’ eux-mêmes prendront leur retraite ? Dans notre quartier, on trouvait les magasins suivants : M. Coutis, épicier, ensuite Melle Massu, chapelière ( qui avait toujours de jolis petits chapeaux à la mode ), puis M. Papillon, coiffeur, M. Luquet qui faisait les pantalons d’hommes (en velours, souvent). En face: M.Sautel, tailleur ( à qui M. Bouquet a succédé), puis Mme Moreau, marchande de chaussures, le marchand de tabac – toujours en place – M. Taillet, cordonnier (maintenant magasin de vêtements Sandr’elle). La quincaillerie a toujours été à la même place, d’abord tenue par

  1. Faivre, puis par M. Rebillard. Mme Guillemin était marchande de chaussures, et avait pris la succession de sa maman. La Société Générale était alors à l’angle de la rue de la République et de la rue Greuze.

On avait une vie de quartier, on participait aux joies et aux peines de chacun. On se mettait sur le trottoir pour attendre les clients, et on bavardait. Evidemment, il y avait moins de circulation que maintenant !

Dans la rue du Bief, M. Coutis grillait son café : quelle bonne odeur! Notre quartier était très commerçant. Je me souviens de M. Lacroix, qui avait un café dans la rue Greuze, et qui faisait aussi les livraisons en ville avec sa voiture à cheval.

A la fin de la guerre, lorsque le pont avait sauté, il fallait emmener les bêtes en bateau à l’abattoir, qui se trouvait rive gauche.

Autre souvenir : le passage des ouvriers de la Manu. On entendait le bruit des galoches, et quelquefois même des sabots, vers 7 h du matin. A leur retour, vers 11h et demie, il fallait se dépêcher de servir, car ils étaient nombreux et ils n’avaient pas beaucoup de temps. Leur passage était un des moments importants de la journée. L’hiver , en les entendant passer, on devinait s’il y avait de la neige, ou de la glace. ..

 

 

 

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