Raymonde Desmaris, Tournusienne et commerçante

l’épicerie Desmaris

les épiceries à Tournus en 1930 (annuaire Fournier)

 

Raymonde Desmaris

Mes parents sont venus s’installer à Tournus en 1910, et ont tenu le magasin (l’Epicerie Parisienne) jusqu’en 1952, date à laquelle j’ai pris leur succession. C’était ce qu’on appelle une épicerie fine : en plus des ventes traditionnelles, nous avions ajouté les dragées, ce qui représentait pour nous un plus gros chiffre d’affaires.

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Jean Ducloux et le restaurant Greuze

SOUVENIRS DE JEAN DUCLOUX

Je me souviens du théâtre Mario, qui s’installait sur l’Esplanade. C’était un très beau théâtre, avec un parquet, des toiles, et à l’intérieur des glaces biseautées et des bancs. Il y avait six rangs de « première » pour les riches, mais nous, nous montions à la poulaille. Un poële à coke chauffait tout, mais l’air arrivait quand même par en-dessous. Le programme était très varié : une fois c’était « la fille de Mme Angot », une autre fois «  les Cloches de Corneville ».  Le théâtre restait trois mois, mais changeait chaque semaine le titre de la représentation et c’étaient toujours les mêmes quinze musiciens qui jouaient. Les chanteurs n’avaient pas à cette époque la voix amplifiée par une sono : il fallait « ouvrir le bec »

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Les commerces à Tournus au XX ème siècle

QUELQUES SOUVENIRS SUR TOURNUS EN 1900 (Paul Robin)

La journée commençait tôt et finissait tard. Les magasins s’ouvraient à 6 heures et les commerçants étaient à la disposition du public, sans interruption, jusqu’à vingt et une heures ou vingt deux heures.

A six heures les marchands de journaux se mettaient en route pour distribuer les quotidiens dans toute la région. Avant de partir ils avaient réveillé les commerçants pour se procurer les achats dont ils avaient été chargés la veille.
Les femmes des campagnes arrivaient vers huit heures, les unes portant sur la tête un grand panier d’osier plat, rectangulaire, supporté par un petit coussin rond, les autres, coiffées de la capeline, poussaient devant elles une petite charrette (caisse munie de deux roues et d’une longue tige pour la diriger). Elles arrivaient en file sur la levée, et apportaient laitages et légumes qu’elles allaient vendre à domicile. C’était l’époque où, à votre porte, on venait vous offrir des grenouilles soigneusement enfilées par douze sur un bâtonnet d’osier Les marchands de légumes de Ia ville parcouraient la rue principale, poussant une longue charrette à deux roues qu’ils arrêtaient de place en place, pour offrir leur marchandise.
Dès le début de la matinée les coiffeuses commençaient leur tournée. Elles allaient de boutique en boutique, leurs peignes et leurs brosses dans la poche de leur tablier, coiffer les commerçantes, opération qui se passait dans le magasin.
Les commerçants étaient logés dans des conditions d’inconfort qui nous stupéfient aujourd’hui. Ils habitaient tous leurs arrière-boutiques où ne pénétraient jamais ni l’air ni la lumière.
La seule pièce habitable était le magasin, aussi était-il utilisé comme pièce de séjour. Etant donné le nombre des heures d’ouverture, l’affluence n’était jamais grande et laissait de nombreuses heures de loisir. On pouvait, sans inconvénient, y lire son journal ou s y adonner à toutes sortes d’activités.
Par les belles journées, le trottoir en était le prolongement. On sortait les chaises et on faisait salon entre voisins. C’est là que se nouaient amitiés et inimitiés. Souvent la rue retentissait de joyeux éclats de voix, mais aussi parfois d’âpres discussions.

LA VIE D’UN COMMERCANT AVANT LA 2 ème GUERRE MONDIALE

Marguerite Thibert
Le lundi, les commerçants ne fermaient pas leurs magasins qu’ils ouvraient tôt le matin vers 8 heures et très souvent pendant le déjeuner. La fermeture en était assurée le soir vers 20 – 21 heures.
Le commerce de mes parents était intitulé Thibert – Baucheron Marchand Tailleur successeurs de Thibert – Ducloux. Le dimanche matin, les représentants y étaient accueillis ainsi que parfois quelques clients.
Pour les mariages, la coutume voulait que la famille du marié offrît la robe à la mariée; chacune des deux familles était habillée par un fournisseur de son choix qui avait ainsi à vendre une vingtaine de pièces : les hommes portaient alors un complet avec un gilet, les plus jeunes étant habillés « en confection », vêtements fabriqués en série à Lyon, Paris, etc… Le fournisseur offrait un cadeau au marié, une belle chemise avec une cravate, soit une régate, soit un petit nœud.
Une bonne partie des vêtements étaient cousus à la main dans l’atelier de mon père, l’emploi des machines à coudre de marque Singer étant réservé aux coutures. La soie Chardonnet achetée à Besançon, et le fil d’excellente qualité assuraient de solides finitions. Les 5 ou 6 personnes de l’atelier de mon père apportaient un soin tout particulier à ce qui était fait et prenaient le temps nécessaire pour la réalisation d’un beau travail. En dehors d’un ou deux apprentis, les « pompières » s’occupaient des pantalons, les « giletières » avaient leurs spécialités, tout comme les « monteuses »

Mon frère Jean a pu fêter le centenaire du commerce de mes parents et même grands parents fondé en 1873, ce qui est assez exceptionnel. Mon grand – père avait une petite échoppe dans le quartier de la Madeleine.
Mon père, qui ne voulait absolument pas être tailleur, avait cependant fait une école spéciale à Paris d’où il était sorti diplômé (Ladevèze).
Mon grand-père et mon père taillaient sur une grande table de coupe avec de grands ciseaux et des équerres, en suivant le tracé fait auparavant à la craie. Ensuite une ouvrière « montait » les pièces, ce qui était un vrai travail de spécialiste : il n’est pas donné à tout le monde de faire un revers ou un col impeccables.
Mon frère n’était pas tailleur lui-même, mais il faisait faire les vêtements sur mesure à Lyon, ce qui n’a rien à voir avec le prêt-à-porter actuel.
Il faut insister particulièrement sur les relations qui existaient à cette époque entre commerçants : ils ne se recevaient pas les uns les autres, mais ils se fréquentaient quotidiennement. En face du magasin de mes parents, se trouvait la boucherie Bériaud. La coutume voulait que, pour le jour de l’an, M. Bériaud traversât la rue pour offrir à maman un magnifique saucisson truffé, avec des pistaches, et maman avait préparé pour lui une cravate; ensuite, ils s’embrassaient en échangeant leurs vœux.
Lorsque quelqu’un se trouvait dans l’ennui, chacun venait prendre des nouvelles et proposer ses services.

Raymonde Desmaris
Mes parents sont venus s’installer à Tournus en 1910, et ont tenu le magasin (l’Epicerie Parisienne) jusqu’en 1952, date à laquelle j’ai pris leur succession. C’était ce qu’on appelle une épicerie fine : en plus des ventes traditionnelles, nous avions ajouté les dragées, ce qui représentait pour nous un plus gros chiffre d’affaires. Mon père achetait le café vert, qu’il allait chercher avec une charrette à fond plat à l’arrivée du Parisien. Le café était expédié soit d’Amérique du Sud, soit d’Afrique, et arrivait par bateau au Havre ou à Marseille, puis, en suivant rivières et canaux, jusqu’à Tournus. Il fallait ensuite le pendre dans des sacs au grenier pour le faire sécher, et retourner les sacs régulièrement afin que le séchage soit parfait. Nous avions un gros moulin pour torréfier, et lorsque nous faisions griller tout le quartier était au courant – surtout s’il y avait un peu de vent !


Les horaires de travail dans l’alimentation à ce moment-là étaient durs : il fallait se lever très tôt le matin, à cause des ouvriers qui partaient travailler et venaient chercher un petit casse-croûte. Pas question non plus de fermer à midi, ni le soir avant au moins 20 heures. Quant au dimanche, le magasin était ouvert jusqu’à 13 heures.