historique (articles du Journal de Tournus)
Après les désastres de la retraite de Russie et le malheureuses campagnes de 1813, l’armée française, victorieuse depuis plus de 20 ans, avait dû repasser le Rhin. Les alliés étaient entrés en France. Les Autrichiens, sous les ordres du général Bubna, violant la neutralité suisse, avaient envahi la vallée de la Saône. Au commencement de janvier 1814, massés sur la rive gauche, leur but était de couper les communications entre le Nord et le Sud de la France, entre l’armée de l’empereur, qui combattait en Champagne, et celle d’Augereau, qui occupait Lyon.
Chalon, attaqué le 9 janvier, repoussa si vigoureusement l’ennemi que celui-ci se retira, pensant qu’il serait plus facile de forcer la Saône à Tournus ; mais informé de l’attitude des habitants dirigés alors par le maire Dunand, et de leur résolution de se défendre à outrance il descendit jusqu’à Mâcon, qu’il occupa le 13 sans coup férir.
Cela ne fit que fortifier le patriotisme des Tournusiens, qui mirent la ville en état de défense. Le 17, à la suite d’une alerte, tous les habitants se précipitèrent pour occuper leur poste de combat. Mais c’est le 21 seulement que, ne voyant pas arriver de troupes autrichiennes, ils prirent, sur l’initiative du capitaine Louis Bidat et de concert avec le général Legrand de Mercey, ancien gouverneur de Berlin, commandant en chef de Saône et Loire, le parti hardi de chasser l’ennemi de Mâcon et de le rejeter au-delà de la Saône.
Le 23, au matin *, une troupe composée d’environ 300 gardes nationaux et sapeurs pompiers de Tournus, de quelques hommes du 144ème de ligne, ainsi qu’une section d’artillerie improvisée servant une pièce de campagne, partit de Tournus sous le commandement du général Legrand et de plusieurs officiers retraités, les commandants Bidat et Montcrot et le capitaine Debrun. Malgré la neige et une bise glaciale, la colonne arriva à Mâcon sur les trois heures du soir, après avoir délogé les grand’ gardes qui occupaient Saint Jean le Priche. Puis, poussant vigoureusement l’ennemi, les Français forcèrent la porte de la Barre ; après un combat acharné dans les rues et à l’entrée du pont de Saint Laurent, ils culbutèrent les Autrichiens au-delà de la Saône et les poussèrent à la baïonnette jusqu’à la Madeleine sur la route de Bourg. La route de Paris à Lyon était de nouveau dégagée, ainsi que la Saône, les communications rétablies entre l’Armée d’Augereau et celle de Napoléon.
Par la faute d’Augereau, cet acte de courage militaire ne fit, hélas ! que reculer de quelques jours l’occupation.
Ce fait d’armes est bien connu de toute la France et l’année suivante, lorsque les alliés menaçaient à nouveau le territoire, le ministre de la guerre Davout, prince d’Eckmühl, citait en ces termes Tournus à l’ordre de la nation : « …que l’exemple de Tournus, de Chalon, de Saint Jean de Losne… enflamme l’émulation de toutes les cités ; que toutes soient disposées à mériter au besoin les éloges du Souverain et la reconnaissance de la Patrie… »
Quelques jours plus tard, le 22 mai 1815, Napoléon, pour consacrer devant la postérité l’héroïque attitude des habitants de Tournus en 1814, décréta que la Légion d’Honneur figurerait désormais dans les armes de la ville.
C’est pour commémorer tous ces évènements que Tournus, à l’exemple de Chalon et de Saint Jean de Losne, a érigé un monument à la gloire de ses enfants.
*C’est en souvenir de cette qu’une rue de notre ville porte le nom d’ Avenue du 23 janvier
1910

1911 : un comité est créé
une souscription est lancée pour le monument
le sculpteur pour le monument
les maquettes (réserves du Musée Greuze)
choix du lieu pour le monument
Ce jardin était jusqu’en 1910 propriété du Presbytère, et il est devenu municipal après la loi de 1909 sur les biens ecclésiastiques.
préparatifs (Journal de Tournus)
Quinze jours nous séparent des fêtes. Dans quinze jours une animation extraordinaire va remplir nos rues enguirlandées et pavoisées. Déjà on fait des préparatifs de décoration. Des voitures vont aller cueillir du buis dans la campagne tournusienne et reviendront chargées de la précieuse verdure. Nos jeunes filles se préparent, avec un charmant souci mêlé d’inquiétude, à s’acquitter du rôle qui leur a été dévolu pour ces journées graves et joyeuses. Elles se laissent mobiliser gaiement, heureuses de participer à la glorification des vieux braves.
Leurs fines mains apporteront la contribution matérielle qu’il faut à l’embellisement de la cité, en attendant qu’au grand jour leurs jolis yeux prêtent à la célébration je ne sais quelle fraîcheur, je ne sais quelle grâce d’éternelle jeunesse. Dans leur clair regard apparaîtra le reflet d’une émotion communicative et sincère. Et tandis que les sons de la musique, harmonieusement adaptés au dessein d’évocation qui a présidé à l’organisation du cortège historique, pénétreront nos cœurs de piété pour les morts, tandis que des guirlandes de fleurs courront au long des façades, grimperont aux murs et enjamberont les voies agitées et bruyantes, jetant sur tous ces apprêts d’un jour le charme de l’impérissable nature bourguignonne, nos petites fées, richesse et parure de la ville de Greuze, rempliront noblement leur mission qui est de répandre le bonheur autour de leur sourire…
Pour faciliter les décorations de la ville, nos compatriotes, MM. Achille Bouget et Henri Legros, camionneurs dont le dévouement à la cause publique ne se dément pas un instant, préviennent les habitants que dimanche prochain 28 juin, ils tiennent chevaux et voitures à la disposition des personnes qui désireraient aller cueillir et ramasser des buis et autres verdures.
les grands jours : 12, 13, 14 juillet 1914
A l’origine, c’est le ministre de la guerre (Adolphe Messimy l’était à cette date) qui devait venir présider les cérémonies.
A cause des rumeurs de guerre, il fut remplacé par le ministre des Colonies.
Il est essentiel de faire un bref rappel historique :
- 28 juin 1914 attentat de Saravejo
- 1 er août ordre de mobilisation générale
- 3 août l’Allemagne déclare la guerre à la France
la ville est entièrement décorée
programme
le défilé
SAMEDI 18 JUILLET 1914
L ‘ ARRIVEE DU MINISTRE
Le cortège se rend à l’entrée de la ville, sur la route de Mâcon, par où doit venir le ministre en automobile.
Toutes les autorités sont là pour attendre M. Raynaud et sa suite.
(suivent de nombreux noms, parmi lesquels M. Perrin de Puycousin, M. Thibaudet maire de Tournus, M. Robin secrétaire général du comité du Centenaire, les conseillers municipaux).
La foule est compacte. On ne peut circuler tant il y a du monde. La chaleur est accablante.
A dix heures et quart, M. Raynaud, ministre des colonies, arrive en automobile. Les premières présentations ont eu lieu. M. Chaleil, préfet de Saône et Loire, accompagne le ministre, ainsi que M. Simyan, député.
UNE MUSIQUE MILITAIRE
A l’occasion des grandes fêtes qui se préparent, le comité est heureux d’annoncer que M. le Général Grandjean à Mâcon a mis gracieusement à la disposition du comité pour le dimanche 12 juillet, la musique du 134ème d’infanterie.
Le comité apprécie à sa plus haute valeur cet élément musical de premier ordre, qui ne pourra que rehausser l’éclat des fêtes du Centenaire. A cette occasion, et pendant l’inauguration du monument, sera chantée par la chorale de Mâcon une cantate « Ode à Tournus », dont les paroles sont de M. le général Grandjean et la musique de M. Charles Laurent, président de la Chorale de Mâcon.
les groupes
cérémonie officielle : de grands moments d’élan patriotique
la fête
les souvenirs
2014 : le bicentenaire
Journée festive le 5 juillet
Exposition à l’Hôtel-Dieu musée Greuze, conférences, projections thématiques au cinéma la Palette.
le jardin de la Légion d’Honneur
texte et photo Dani Gallorini, 23 2018
Avant de devenir municipal en 1910, le jardin situé rue Gambetta appartenait au presbytère, propriété de l’abbaye. Après la séparation de l’église et de l’État en 1905 une loi attribue les biens ecclésiastiques, permettant ainsi à la commune de Tournus de récupérer cet espace pour en faire un square public. Comme le veut la mode de ce début du XXe siècle, un jardin se doit de posséder bassins et rocailles. Tournus cède à cette tendance, créant un grand bassin central surmonté d’un pont, une grotte de rocailles avec son propre espace d’eau et des bancs en ciment à motifs de branches d’arbres. On y trace des chemins de façon asymétrique, des végétaux viennent compléter les deux ou trois arbres hérités du presbytère et pour finaliser le décor propre aux squares d’alors, une grille, signée Monot, est posée avec ses deux portails. Côté abbaye, des constructions privées limitent le jardin, dont la Fabrique des bleus Henry, entreprise produisant du noir à sabots et du bleu pour le linge (elle sera achetée au début des années 30 par la famille Bouvet qui la transformera en usine de vernis).
La municipalité décide d’ériger dans le jardin un monument commémorant le centenaire de l’héroïsme de ses habitants qui, en 1814, ont repoussé les armées ennemies et pour lequel Tournus s’est vu attribuer la Légion d’honneur. Le sculpteur parisien Pierre Curillon est choisi et le monument du centenaire est inauguré en grande pompe en juillet 1914 en présence du ministre des Colonies. 18 jours plus tard la guerre est déclarée.
Devenu jardin de la Légion d’honneur, le lieu est longtemps prisé des photographes de mariage pour ses décors de rocaille. En janvier 1932, le site est classé dans le but de le conserver en l’état, mais il se dégradera lentement et il faut attendre 2013 pour que la mairie fasse restaurer le pont. Le reste des éléments décoratifs n’est pas en très bon état : de nombreuses rocailles ont disparu, les bassins ne sont plus alimentés… La municipalité actuelle essaie de faire revivre le jardin en accueillant des sculptures. Le signe d’un renouveau ?